vendredi 30 juillet 2010

Andorra Ultra Trail 26/27 Juin 2010


L'Andorra Ultra Trail est une course de 112km 8300m de dénivelé positif, définitivement pour les puristes de l'ultra Trail. De la bonne distance, beaucoup de dénivelé et surtout des sentiers ultra techniques. Résultat, 495 coureurs au départ, seulement 96 à l'arrivée. Temps de course 28h28min pour moi et une 54ème place.



Il y aurait beaucoup à dire sur cette course et sur son organisation que j'ai pour ma part trouvée excellente. J'ai toujours considéré que quelle que soit la distance et le dénivelé, la difficulté de la course dépend avant tout de la façon dont on s'y engageait. Tout est finalement une question de gestion de l'effort. On ira forcément plus rapidement sur une courte distance que sur une (ultra) longue. Il suffit d'ailleurs pour cela de regarder ma vitesse moyenne sur cette épreuve pour s'en convaincre ... 4,8 km/h (pause incluse quand même !). Cela fait même peur parfois de voir ces statistiques. Dans mon inconscient, 5km/h c'est une vitesse de marche normale ! mais bon passons... Avec cet Andorra Ultra Trail, j'ai découvert que malgré tout certaines courses pouvaient quand même sortir du lot en termes de difficulté et de mérite à les terminer



Déjà sur le papier, les caractéristiques de cette compétition auraient du me mettre la puce à l’oreille. Autant de dénivelé que l’UTMB sur 112km au lieu de 166km sur cette dernière. L’inconvénient pour un Ultratraileur qui explore ses limites, c’est qu’à force d’explorer les limites de l’inimaginable, il en vient à tout relativiser et à se dire que finalement, tel Dyogène le Cynique démontant le paradoxe de Zénon d’élée et la course perpétuelle d’Achille et de la tortue, il suffit finalement de mettre un pied devant l’autre pour parcourir n’importe quelle distance. C’est donc très sereinement que je m’imaginais dans tous les cas terminer cet ultratrail en prenant place sur la ligne de départ ce vendredi 25 Juin à Minuit.


Au départ d'Ordino, Vendredi 25 Juin, Minuit (source: vidéo officielle)

J’allais pourtant rapidement m’apercevoir que telle entreprise était loin d’être gagnée. Quand le départ est lancé ce vendredi soir de fin juin à Ordino, petite ville au milieu d’Andorre, l’atmosphère est humide. Toute l’après midi, on avait pu entendre le tonnerre gronder autours et malgré les prévisions météo plutôt bonnes pour le déroulement de la course, la crainte de se voir prendre au piège au milieu d’un orage à plus de 2000m d’altitude était présente dans la tête de tous. Malgré cette appréhension, tout semble bien se passer. C’est après 5km de plat montant (environ 110m de D+ sur cette distance) que les choses sérieuses commencent avec une première ascension pour atteindre à 2600m d’altitude le Pic Clot del Caval. Je monte assez rapidement, doublant progressivement mes collègues. Arrivé en haut de cette première montée, le flux de concurrents commence enfin à s’espacer. La course à déjà commencé depuis 1h53. Le ciel est clair et étoilée, la lune est au rendez vous, tout va bien.

Au ravito n°1

Le profil de l’Andorra Ultra Trail est déconcertant de simplicité. Grosse montée, alternance de soubresauts, grosse descente, grosse montée, alternance de soubresauts grosse descente. Après la première montée, donc s’en suit une nouvelle descente. De 2600m nous redescendons à 2000 m. Mon système d’éclairage à deux frontales fait des merveilles. Malgré les sentiers et single track accidentés, ma frontale autours de ma taille me permet d’éclairer juste devant mes pieds quand ma frontale sur la tête me permet d’anticiper le parcours. Je descend comme un petit fou, je double à tire-larigot, manque évidemment de me casser la gueule deux ou trois fois mais toujours en retombant sur mes pieds grâce à mes bien braves bâtons.

Profil Andorra Ultra Trail

S’en suit alors l’ascension vers le point culminant de notre épopée, le Pic Comapedrosa à près de 3000m d’altitude. Comme prévu la neige est au rendez vous et la montée en est d’autant ralentie. La lune, incroyablement lumineuse vient se refléter sur la neige et éclairer tous ces combattants de l’extrême parti à l’assaut d’un parcours dont ils ne sont peut être pas tous encore conscient de la difficulté. En 3km, nous prenons plus de 900m de dénivelé. Au loin, alors que le parcours commence à se transformer en mur d’escalade, nous entendons sonner le biniou et battre le tambour. Pas de doute, l’Andorra Ultra Trail 2010 nous réserve encore bien des surprises ! Alors que la première montée s’était effectuée sans grande difficulté, je commence à marquer un peu le pas. Heureusement, du haut de mes 3000m d’altitude, je contemple une vue magnifique. Dans la vallée au fond, plus de 2000m plus bas, on aperçoit des petites lumières, signe que oui, il y a de la vie au fin fond de ces vallées. Là encore la descente me permet de regagner de précieuses places, créant parfois de petite frayeurs à mes collègues un peu moins téméraire (ou moins inconscient peut être ;-) que moi dans ce profil (bien) descendant. Que voulez vous, on aime les sensations ou pas !! Et des sensations, cette descente m’en procure beaucoup. De nouveau arrivé à 2000 m d’altitude après 30km de course et déjà 5h50 de course, il ne reste que du plat et 250m de dénivelé positif avant de plonger complètement dans la vallée et boucler le premier tiers de ce parcours. Je ne suis pourtant pas au bout de mes peines. Car malgré le « peu » de dénivelé, le terrain est loin d’être roulant ! Les organisateurs, dans un esprit tout à fait nature et trail :) se sont en effet amusés à tracer leur propre chemin. Il nous faudra donc pour rejoindre la Margineda, à 967 m d’altitude tour à tour nager dans la verdure buissonnante avec pour seule aide une magnifique main courante et braver un interminable « user-generated » « chemin » en dévers. Au final, il m’aura fallu près de 8h30 pour parcourir 42 km.



Même si la suite du parcours est différente en termes de paysage, elle reste tout à fait dans l’esprit de cette première partie, surréaliste. A la Margineda, une pause de 20-25 minutes m’a permis de prendre un peu de recul sur ce que j’étais en train de vivre. Il y a toujours dans une course un moment où l’on vient à douter. Douter sur sa capacité à aller jusqu’au bout, douter sur l’intérêt même de terminer quelque chose qui pour beaucoup déjà n’a dès le début aucun sens. Je réfléchis donc n’excluant pas l’abandon. Tout est tellement surréaliste. Cette incroyable difficulté semble pour la première fois dépasser mon entendement. Au fond de moi je rigole. Je prends conscience qu’en quelque sorte, cette compétition est un jeu entre des organisateurs dont le but est de nous préparer une épreuve infaisable et des concurrents dont le but est de prouver qu’ils peuvent déjouer des difficultés ingénieusement dégotées. Je ris donc, je ris de moi, car à ce jeu, j’ai alors l’impression d’avoir pour la première fois perdu. Je me dis que si les 2/3 du parcours qu’il me reste à parcourir sont aussi difficiles et peu roulant, je ne suis pas sûr de pouvoir terminer, ou alors peut être sans plaisir aucun.



Je continue pourtant. J’aime bien ce qui est surréaliste et n’aime pas les solutions de facilité. Une fois encore j’applique la recette anti-abandon, pense à tout ce(ux) qui m’est cher dans la vie, à tout ces sourires rencontrés ici et là qui sont autant de force pour continuer, continuer à démontrer que peu de chose est impossible dans la vie avec un peu de volonté et que la plupart des limites que nous avons ne sont en fait dans notre tête et qu’il est de notre devoir de les dépasser (pour plus d'explication et argumentation à ce sujet, lire mon compte rendu de l’Annécime 2009 :-).



Je continue donc. Manger et boire m’a fait du bien. C’est encore le matin et déjà le soleil commencer à chauffer. Je monte tranquillement et continue mon bonhomme de chemin. Je me fais doubler de temps en temps, mais les écarts entre les coureurs commencent à être important. Au 55ème km, après déjà 12h20 de course, j’apprends que je suis dans les 50 premiers. Excellente nouvelle. Je sais que je vais encore probablement perdre quelques places, mais statistiquement à ce moment de la course et vu l’espacement entre les coureurs, il est peu probable que ce classement change beaucoup d’ici l’arrivée, aussi lointaine soit elle ! Une course comme celle là c’est un peu comme les concours ! Ce n’est pas parce que l’on a l’impression d’avoir été mauvais que l’on est mal classé, il suffit juste de résister un peu mieux que les autres pour s’en sortir ! C’est dans cet état d’esprit là que j’ai terminé, assez sereinement cette course. Il semble que dans chaque course, il y ait une énigme à résoudre pour vaincre la difficulté. Une fois cette énigme résolue, tout semble plus simple. Cette énigme, il m’aura sans doute fallu 80km pour la résoudre, à la faveur d’une bien belle montée dans les alpages et d’une belle lumière de coucher de soleil. Je crois en effet que c’est à partir de ce moment là que tout à commencé à me sembler plus facile, que j’ai recommencé à courir sur les plats montants, bien envoyer dans les descentes et à vouloir impressionner les bénévoles en faisant mon malin. A ce sujet, je me dois d’exprimer tout mon remerciement à ces nombreux bénévoles, toujours le sourire aux lèvres pour vous encourager ou réconforter, ces bénévole mobilisés pendant plus de 38h, sous le soleil, la pluie et les quelques orages que nous avons du affronter

Au final, j’aurais mis quelques 28h28 pour terminer les 112km et 8300m de dénivelé positif (les organisateurs en annonçaient 9700m, mais ça dépend de la méthode de calcul).La difficulté de cette fin de parcours a principalement résidé dans l’inclinaison des pentes, l’absence de chemin au profit de montée en open (héhé, un vrai parcours du combattant !), la présence abondante de rochers (pas pierre, rochers) sur le chemin obligeant souvent à poser les mains pour progresser/ « escalader »/ « désescalader » et trouver le bon chemin dans la nuit. En effet, malgré l’abondant balisage réfléchissant (et parfois clignotant) il suffit qu’un dispositif réfléchissant soit tombé ou ait été renversé au passage d’un coureur pour que trouver celui d’après soit parfois difficile. J’appréhendais beaucoup la nuit en me remémorant mes difficultés à garder les yeux ouverts sur la « BMTU » et « l’Endurance trail » mais finallement, ça c’est bien passé à ce niveau là, il semble que ne pas avoir de carence en sommeil avant la course soit un bon remède face à ce problème là !. Vivre le coucher de soleil en pleine montagne quand on sait que l’aventure n’est pas encore achevée est toujours excitant. Aussi, voir au loin (sans savoir si cette lumière se trouve à 200m ou à 2 km) l’éclairage d’un concurrent est particulièrement motivant.

Je crois que j’ai adoré la fin du parcours (pour être plus précis entre le 70 et 100ème km), même si là aussi dans la droite lignée du parcours du matin, je me demandais parfois par où les gentils organisateurs avaient eu la saugrenue idée de nous faire passer. Parfois, un balisage clignotait au loin et l’on se demandait bien comment il était physiquement possible de l’atteindre. Mais, balise après balise, pas par pas, le (droit ?) chemin se dessinait. A ce niveau là, je crois que c’est la dernière montée vers le Collada dels Meners à 2750m d’altitude qui m’a le plus surpris. En entamant cette montée, j’avais aperçu tout en haut d’un pic (environ 600m plus haut que moi) une lumière bleue clignotante. Pendant toute mon ascension, je crois bien que je me suis demandé si c’est par là que je devrais au final passer … espérant secrètement que cela ne serait pas le cas … J’avoue que j’ai un peu maudit les organisateurs quand j’ai fini par comprendre, à 100m de dénivelé de cet objectif que oui, il faudrait bien passer par là pour espérer voir la ligne d’arrivée 10km plus loin. J’y suis passé évidemment, pas le choix ! D’ailleurs à ce niveau là, les organisateurs avaient du creuser un tunnel dans la neige pour permettre aux coureurs de passer dans l’autre vallée. Très ludique finalement :-) !

le retour dans la vallée de départ, après plus de 105km et 8000m de D+

Les 5 derniers km n’avaient à mon sens que peu d’intérêt puisqu’il s’agissait d’une partie du parcours que nous avions emprunté en sens inverse au tout début de la course, 27heures plus tôt. Cela ne m’a pas empêché de me perdre évidemment, mais comme on dit, tous les chemins mènent à Ordino, il y en a juste des plus courts que d’autre !!!

Voilà, je crois que j’en ai terminé avec mon compte rendu. Seule deux femmes ont terminé cette course plus exigeante, sincère respect… Julien Chorier du Team Salomon, vainqueur de l'étape en 18h environ déclarera n'avoir jamais vu de course aussi technique ... même avec 20000 fois moins d’expérience que lui, je suis amplement d’accord et je crois que l’impressionnant taux d’abandon en est bel et bien la manifestation


Seconde partie de la video officielle de l'épreuve

Team La Cordée Outdoor Spirit is alive :)

P.S: pour ceux qui voudraient s'entrainer sur tout ou partie du parcours, mon fichier gpx est disponible au téléchargement ici : http://connect.garmin.com/activity/38535880

Basile, pour vous servir

5 commentaires:

  1. Excellent comme toujours!
    J'irais bien faire un petit tour à Andorre en 2011!

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  2. on pourrait même se faire une reco, haha !

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  3. sympa le CR !
    j'irai bien visite Andorre l'année prochaine !
    rajoutez moi dans la liste !

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  4. Bien utile ton cr! Mais dangereux!!!: je vais faire l'Endurance Trail et j'ai l'impression que ça va être trop "promenade" comparé à votre truc!!!!. En tout cas, il y a bon nombre de tes commentaires qui me seront utiles et advienne que pourra...

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  5. intéressant de relire ce Cr de 2010 si vivant, en suivant les coureurs par GPS sur le trajet de 2011 (avec 1/3 de difficulté en plus) qui semble beaucoup fatiguer les organismes (beaucoup d'abandons) . Mais cela fait plaisir de connaître le bon moral des coureurs qui font rêver les spécialistes du fauteuil le week end .
    Toute course commencée et appréciée et partagée est un cadeau collectif
    merci et bravo

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